Le respect de la
règlementation sur les constituants des cigarettes et autres produits du tabac
est encore problématique au Bénin.
Mercredi 8 décembre
2010. 11 heures 35 minutes. Le long des rails du quartier Zongo à Cotonou, une
foule s’adonne à diverses activités commerciales. Ruisselant de sueur, Issa, la
trentaine révolue, une vingtaine de tissus bien pliés sur l’épaule gauche, évoluait
aussi dans le couloir à la quête d’éventuels clients. De sa main droite, il portait
régulièrement vers ses lèvres noircies une tige de cigarette soigneusement
pincée entre les doigts. A intervalle de temps régulier, il projetait dans l’air
une fumée épaisse. Ce ressortissant du Niger est habitué à ce geste. Il a pris
goût à cet exercice de la mort depuis l’âge de 13 ans. Pour lui, le goût reste
le principal critère de choix : « les goûts ne sont pas les mêmes, ils
varient d’une cigarette à une autre. C’est certainement à cause de la manière
de fabriquer ce produit…Avec les mêmes condiments, deux femmes peuvent faire
des sauces de différents goûts », affirme cet amateur de tabac. Comme
Issa, ils sont des milliers de fumeurs à apprécier les différents goûts de la
cigarette et autres produits du tabac sans connaître leur composition. Plus
loin, Roland, enseignant de Philosophie à Cotonou avoue être indifférent aux
produits qui entrent dans la fabrication des cigarettes. Il sait tout de même
que des indications sont souvent inscrites dans un petit coin du carton et que certaines
firmes s’en passent aussi.
Selon l’arrêté
interministériel n°19 portant sur les normes ISO en matière de production, de
commercialisation et de consommation des cigarettes et autres produits du tabac,
« les
produits de tabac doivent contenir 10g de monoxyde de carbone, 1g de nicotine
et 10g de goudron ». Cette exigence découle des articles 9 et 10 de la
Convention-cadre de l’oms pour la lutte antitabac qui imposent aux Etats-parties
de règlementer les informations sur les produits du tabac à donner au public. Dr.
Judith Sègnon Agueh, médecin épidémiologiste et point focal de la lutte antitabac
au Bénin prévient qu’« il n’y a pas de seuil tolérable en matière de tabac
car la plus petite dose est nocive pour la santé de l’homme ». Les trois
substances précédemment citées ne sont pas les seules qui entrent dans la
fabrication de la cigarette : « au cours de la préparation du tabac
pour la fabrication des cigarettes, de nombreuses substances appelées additifs
sont ajoutées. On en dénombre plus de 600. Leur nature est très variée. Parmi
elles figurent l’ammoniaque, des rehausseurs de goût, des agents de texture,
des arômes, des adoucissants etc. « L’ammoniaque permet d’élever le PH de
la fumée augmentant ainsi l’absorption de la nicotine au niveau des alvéoles.
Certains additifs sont particulièrement dirigés vers les enfants », poursuit
le médecin.
Qu’il soit fumé,
prisé ou fumé, le tabac et sa fumée sont dommageables à la santé humaine. La
composition de la fumée du tabac est complexe. Plus de 4000 substances ont pu
être identifiées dont l’azote, l’oxygène, le dioxyde de carbone, le monoxyde de
carbone, l’eau, l’hydrogène, le méthane, l’ammoniac, l’oxyde d’azote, l’acide
sulfurique, l’acide cyanhydrique, les hydrocarbures, les aldéhydes, les cétones,
les alcools, les esters, les amines, les acides, les phénols, la nicotine, la nornicotine,
l’anabasine, etc. ».
Se basant sur
l’inexistence du plateau technique pour le contrôle des constituants des
cigarettes et autres produits du tabac, Augustin Faton, président de l’ONG
Initiative pour l’éducation et le contrôle du tabagisme soutient qu’il reste
impossible de vérifier la véracité des informations fournies sur les cartons. Il
fustige aussi le fait que certaines firmes dérogent à la règlementation. Il
dénonce la contrefaçon et les importations frauduleuses qui rendent les
populations plus vulnérables. Il convient de retenir que « la consommation
du tabac fumé, chiqué, prisé ou mâché constitue un problème de santé publique
majeur en raison du nombre de maladies graves dont les cancers, l’hypertension
artérielle, l’infarctus du myocarde qu’elle induit non seulement chez les
fumeurs mais aussi chez les personnes affectées par la fumée dégagée », un
message du 30 mai 2011 prononcé par le professeur Dorothée Akoko Kindé Gazard,
ministre de la santé, qui met ainsi en garde les populations béninoises contre
le fléau du tabagisme à l’occasion de la célébration de la journée mondiale sans
tabac.
Par
Joël C. TOKPONOU
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