L’immobilisme et
la lenteur observés dans la mise en œuvre des textes nationaux et
internationaux de la lutte antitabac retiennent l’attention des acteurs de la
lutte antitabac qui mettent en garde contre l’interférence des firmes
tabagiques dans les politiques publiques notamment dans le domaine de la santé.
« En définissant et en appliquant leurs
politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties
veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts
commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation
nationale ». C’est ainsi qu’est libellé l’article 5.3 de la convention-cadre
de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac. Au Bénin,
certains faits font douter de l’application effective de cette disposition
universellement admises par les parties de l’Oms. Selon le rapport alternatif
de la société civile sur la mise en œuvre de la convention-cadre de l’Oms pour
la lutte antitabac, la loi n°2006-12 du 07 Août 2006 portant réglementation de
la production, de la commercialisation et de la consommation de cigarettes et
autres produits du tabac en république du Bénin est restée muette sur les
interactions éventuelles entre les pouvoirs publics et les industries du tabac.
Mieux, si les fréquentes démarches des industries du tabac au ministère de la
santé sont plus ou moins connues, ce n’est pas le cas pour les ministères en
charge du commerce et des finances. Renflouer les caisses de l’Etat en est
peut-être la raison ; mais pour combien de temps ? De quelle
manière et au profit de qui ? A ce propos, il est à souligner que le
contenu du protocole d’entente sur le contrôle du commerce illicite du tabac
signé entre la douane béninoise et une industrie de tabac en 2008 est jusqu’à
ce jour inaccessible. Selon Augustin Faton, Président de l’ONG Initiative pour
l’éducation et le contrôle du tabagisme, « tout comme on ne peut associer
les malfrats aux stratégies sécuritaires, on ne doit pas associer les industries
du tabac aux politiques antitabac». Le rapport intitulé "Stratégies
des entreprises de tabac visant à saboter les activités antitabac de
l’Oms" réalisé en juillet 2000 par un comité d’experts sur les documents
de l’industrie du tabac confirme cette position. Le document mentionne que les
entreprises de tabac agissent depuis des années dans l’intention délibérée de
saboter les efforts de l’Oms en matière de lutte anti-tabac. Les tentatives de
subversion sont toujours élaborées, largement financées, sophistiquées et le
plus souvent invisibles.
Au Bénin, comme
ailleurs, les industries du tabac font des pressions diverses sur les pouvoirs
publics, promettent de s’autoréguler et proposent des initiatives volontaires, etc.,
un terrain favorable à la manipulation des fonctionnaires de l’Etat en ce qui
concerne l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac. Pour limiter ces intrusions, Dr. Judith Sègnon Agueh,
point focal de la lutte antitabac au ministère de la santé souhaite que chaque
acteur impliqué dans la lutte antitabac joue réellement et efficacement sa
partition, étant donné que les axes de la lutte sont multisectoriels. Elle est
appuyée par le président de l’Ong IECT qui compte sur la transparence dans les
actions. Augustin Faton insiste, en outre, sur la prise d’une nouvelle loi antitabac
qui prenne en compte cet aspect de la lutte. Il s’insurge aussi contre le peu
d’attention qu’accordent les pouvoirs publics à la lutte contre le tabagisme,
responsable de nombreux dommages au sein de la population béninoise. Par
ailleurs, les activistes mettent en garde les pouvoirs publics contre l’adhésion
des membres des industries du tabac aux entités gouvernementales au risque de
compromettre la bonne application de la convention-cadre et de ses directives
ainsi que celle de la législation nationale. De même, ils exigent la
transparence dans les activités des industries du tabac pouvant avoir un impact
sur la lutte antitabac. Enfin, selon eux, les partenariats avec les gouvernements
et l’autorégulation volontaire souvent proposée par les industries du tabac ou
toute collaboration sont des manœuvres visant à déstabiliser ou à plomber
l’appareil de l’administration publique. Pour Dr. Judith Sègnon Agueh, il faut
davantage de vigilance face au développement de nouvelles formes d’ingérence.
Par Joël C.TOKPONOU
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